LE PRINTEMPS QUI TRAVAILLE, LA SÈVE QUI POUSSE...
Le printemps depuis huit jours et le Festival des plantes nouvelles la semaine prochaine. L’animateur fait une fleur aux participants. Sans les prendre pour une pomme, il leur demande des expressions liées à la nature.
- Quoi, râlent-ils en chœur, tu pousses mémé dans les orties !
- Bravo, les félicite-t-il, voilà une première expression adaptée.
La sérénité printanière revenue, les présent·es ramènent leur fraise et trouvent des proverbes, des façons de dire, des évocations tendres ou drôles. Aussitôt, l'animateur les oblige à composer une histoire à l’eau de rose ou un scénario aux petits oignons, dignes d’être publiés dans une feuille de chou.
Il fixe comme contraintes d'utiliser cinq expressions liées à la nature (soulignées) et de fixer le récit au printemps.
L’apprenti jardinier
Ce jour-là était à marquer d’une pierre blanche ; pour la première fois, mon père m’autorisait à l’aider au jardin. Plutôt que rester planté comme un poireau, j’avais enfin le droit d’attraper un outil et participer aux gros travaux !
Je n’avais que quatre ans :fin comme un haricot et haut comme trois pommes, le moindre manche était deux fois plus grand que moi. J’agrippai un râteau et me postai à côté de mon père ; il avait à peine semé une graine que je comblais le sillon d’un coup plus ou moins adroit. Les cris paternels ne me jetaient pas des fleurs ; bien au contraire, ils disaient que je lui courais sur le haricot et que j’avais un pois chiche dans la tête. Je me sentis rougir comme une pivoine, j’en avais gros sur la patate.
Cette malheureuse expérience aurait pu nuire à ma vocation de jardinier en herbes. Par chance, mon père avait autant d’amour que de patience, et j’en ai pris de la graine : sans en faire des choux gras, mon lopin de terre garnit toujours mon garde-manger.
Histoire à l’eau de rose
Nicolas a la pêche ce matin. C’est le printemps, il chante, il doit retrouver Marie, il ferme les yeux, il pense à elle, elle est belle, elle a les yeux en amande.
— Et moi, se dit-il, ce n’est pas pour me jeter des fleurs, mais je suis pas mal. Seulement je suis fauché comme les blés, donc pas de rencontre au restaurant, pas de film non plus, c’est une histoire à l’eau de rose. Alors, je vais lui proposer une promenade en forêt. Marie est si timide qu’elle sera rouge comme une pivoine, mais tout compte fait, ça ne me coûtera pas un radis !
Printemps au jardin
Rose se languissait de voir arriver le printemps, car les provisions faites l’année précédente étaient bien entamées ; il était temps de se refaire un peu la cerise.
Au jardin, les mauvaises herbes poussaient comme du chiendent, il devenait donc urgent de semer et de planter. À 70 ans, elle avait encore la pêche, il suffisait seulement de se sortir le cul des ronces et en avant.
Et je te plante les poireaux, les petits pois et les carottes. Attention quand même que toute cette agitation ne la fasse pas tomber dans les pommes. Tout en s’activant, Rose lorgnait sur son voisin qui, même s’il avait un pois chiche dans la tête, se donnait à fond et s’employait à biner et semer. Son jardin, il y tenait comme à la prunelle de ses yeux.
Alors chaque printemps, la compétition battait son plein entre les deux jardiniers. Mais tous les ans, ça se terminait bien et chacun se jetait des fleurs.
Tout ça pour des prunes
Tous les cinq ans, se déroule en France l’élection présidentielle ; celle-ci se tient au printemps.
Chaque candidat présente un programme qui, vu ses prétentions, ses promesses, sent le fagot ! Celui-là va faire faire des fleurs à tout le monde ; celui-ci a l’air d’avoir la banane, mais cette énergie dépensée à grands coups de slogans me court sur le haricot ! Les médias reprennent les discours maintes fois entendus, maintes fois répétés, avec chaque candidat qui à chaque intervention ramène sa fraise.
La campagne passée, le catalogue du Père Noël distribué, et le résultat arrive comme je le prévoyais : mon poulain a perdu, il est arrivé troisième, tous ces efforts pour des prunes.
Quant au vainqueur, il a ratissé large, ménageant la chèvre et le chou.
Le Festival des plantes
La feuille de chou nous annonce dimanche le Festival des plantes nouvelles. Quelle splendeur, chaque année dans le parc, que cette exposition qui se déroule toujours au printemps !
Il y en a pour tous les goûts ; il ne faut pas en revanche être fauché comme les blés. C’est très attractif, très varié. Cela va des fleurs à toutes sortes de réalisations artistiques, en fer forgé à la tête aux oreilles en feuilles de chou, des mobiles, etc.
Dans les allées, des bouts de choux vont, courent de stand en stand, agrippent les parents qui vont être marrons dans cette affaire. Des travaux de couture, des objets en laine, coquelicots et autres fleurs, des produits fermiers sont également exposés, du cru. La cerise sur le gâteau : on peut goûter ! Alors là, les carottes sont cuites, on se laisse aller aux achats, on demande de couper la poire en deux, et on repart heureux, nous en avons pris plein les yeux, mais qui est le cornichon dans l’histoire ?
Le lapin farceur
Un matin de fin mars, Françoise me filait un rencard ; j’étais aux anges.
Une heure avant le rendez-vous, je faisais le poireau comme Jo Dassin avec son petit bouquet d’églantines. J’attendis jusqu’à l’heure dite : chou blanc, pas plus de François que de requin dans la Tamise ! Je me demandai si elle ne m’avait pas pris pour une prune et si je devais lui rentrer dans le chou. J’étais le cornichon de cette histoire.
Rongeant mon frein, je patientais encore un peu quand, soudain, mon eau de boudin se transforma en eau de rose : Françoise apparut, les yeux en amande, se fendant la poire et rouge comme une tomate :
— Désolée, me dit-elle, j’avais pas prévu le décalage avec l’heure d’été. Et cerise sur le gâteau, ma bagnole est tombée dans les pommes !
De la discussion qui prolonge le temps d'écriture, il ressort que la contrainte de la consigne donnée à l'ouverture de la séance, du temps limité pour trouver des idées, du souci de former des phrases correctes et du scrupule de donner une once de cohérence à son texte font de l'atelier d'écriture une véritable gageure !
Les textes, tels qu'ils sortent des plumes en moins d'une heure, ne constituent certes qu'un premier jet, pas une œuvre achevée ; ils témoignent toutefois de la qualité et des capacités individuelles de produire de modestes mais jolis morceaux de littérature.
CHAPEAU BAS !