Jean-Patrick a présenté des concours à cogiter de juin jusqu'en septembre, avec des thèmes variés, des volumes divers et un récit à peaufiner.
Pour montrer la capacité de chacun à participer, il a contraint les "incrédules" à produire une graine pour Marie Galante : 1000 caractères maximum incluant 3 des 10 mots de l'opération "dix mois dix mots (d)étonnants" du Ministère de la Culture :
décalé - divulgâcher - ébaubi - époustouflant - farcer
kaï - médusé - pince-moi - saperlipopette - tintamarre
Les textes (modestes mais géniaux) restent secrets jusqu'aux résultats,
pour ne pas influencer le jury du concours.
Puis il a invité à composer une micro-nouvelle libre.
Texte A
Mais où est passée Marie-Josèphe ?
En ce temps-là, le petit théâtre de Dieppe, de la place Camille Saint-Saëns, complétait son programme par des séances de cinéma. Al y avait vu La mort aux trousses et Qui a tué Harry, mais quand il s'agit de trouver Marie-Josèphe Guillemette, les gens du coin séchèrent, tout comme la police d'ailleurs. Certains l'avaient vue s'engager dans les tourelles ; d'autres affirmèrent qu'elle avait pris l'habitude de marcher dans l'eau, à marée basse, sur le sable, les chaussures à la main. la faculté lui avait indiqué ce remède.
Mais alors pourquoi, à la nuit tombée, n'était-elle toujours pas rentrée ? Sa voisine de palier avait donné du lait au chat qui miaulait devant sa porte. Se serait-elle approchée de la falaise si fragile après l'hiver ? Ne commençait-elle pas à perdre un peu la boule ?
L'histoire se termina bien, la patronne de l'Huitrière de Pourville avait retrouvé une personne désemparée devant son établissement. Les pompiers la ramenèrent chez elle. Hitchcock et ses suspens n'étaient pas à la manœuvre, hélas !
Texte B
Marie était pensive, ce matin, en tout cas plus que les autres jours. Devant sa tasse de thé, lorgnant la pendule qui déjà affichait sept heures ; les obligations de cette jeune mère défilaient dans sa tête : les enfants vont bientôt se lever, leur déjeuner sera prête, ils monteront dans la voiture où ils se disputeront sans doute un peu ; de retour, la maison sera à ordonner, les lits à faire, le linge à étendre, puis se préparer pour le travail. Et encore une journée répétitive, sans éclat !
Marie pensait aux seuls jours où son esprit s'égayerait et ses mains s'essayeraient à la peinture de sa nouvelle toile. Puis ce serait des courses à pleins poumons dans la forêt qu'elle connaît si bien.
- Essayons, se dit-elle, de garder mon esprit ouvert sur ce monde.
Texte C
Jean et Marie habitent un petit village ; ils ont pour voisine une famille de deux enfants : le papa est ouvrier et la maman employée. Pour survivre, ils élèvent des poules et profitent des œufs... mais le problème : il faut les nourrir.
Jean a une idée ; il dit à Marie :
- Si nous faisions une surprise aux voisins !
C'était juste à la fin de l'hiver. Il fabriqua des pieds de maïs avec des graines qu'il avait conservées de l'année précédente. Le soir, à la tombée de la nuit, il planta les tiges pour former un petit champ.
Le lendemain, ils attendirent le réveil des voisins pour voir leur surprise ; mais là : catastrophe. Un renard était passé dans la nuit et avait embarqué toutes les poules. Jean avait oublié de fermer la porte du poulailler !
Moralité : si vous avez des poules, enfermez-les.
Texte D
Sylvie n'aimait pas l'école. Elle était bien trop jeune à son entrée au CP, elle avait envie de jouer plutôt que de rester assise sur un banc. Ses pieds ne touchaient pas par terre, une vraie torture pour ses petites jambes. Heureusement, il y avait les récréations, elle jouait à la balle sur le mur :
Arthur,
Qu'est-c' qu'est dur ?
C'est le mur !
Un peu plus haut,
J'casse un carreau.
Un peu plus bas
Je tue mon chat.
Pauvre p'tit chat.
Le coup de sifflet final ! Au lieu d'aller se ranger, Sylvie courait se cacher dans un coin du préau. Mais, la "bonne" copine, la meilleure de la classe, la fayotte levait le doigt : "Moi, je sais où elle est !" C'était fichu.
Non, vraiment, elle n'aimait pas l'école. Pourtant, quinze ans plus tard, Sylvie commença une carrière d'institutrice, avec pour mission de faire aimer l'école aux enfants.
Texte E
- Ouf ! le travail est fini, se dit Mary. Mais, comme tous les jours, il y avait encore le métro à prendre, quelques courses à faire et elle pourrait enfin s'installer dans le canapé et se reposer.
Elle prit le métro à la station Motte-Piquet-Grenelle, évidemment, comme tous les jours à cette heure-là, il était bondé et c'était debout qu'elle s'apprêta à faire le trajet jusqu'à son domicile ; la promiscuité lui était toujours aussi difficile. Il lui sembla sentir une pression au niveau de son sac à main. Elle le serra un peu plus contre elle.
Arrivée à destination, Mary entra dans sa petite épicerie préférée, prit quelques courses et fila vers la caisse. Mais voilà, son porte-monnaie avait disparu.
- Oh, non ! s'écria-t-elle. Hélas, quoi faire ? porter plainte ?
Elle n'avait aucune idée de celui qui l'avait volé. Il ne restait qu'à passer ce larcin en pertes et profits, plutôt en pertes d'ailleurs ! Sale journée